Reflux

Souverain de mon royaume j’étais l’infini et immortel ; La vie comme la mort n’étaient point, j’existais simplement, mon origine était Divine.
Je filtrais la vie : les sons, bruits et autres nuisances. Il n’y a pas de mot pour décrire précisément ma préexistence : un état semi léthargique dans lequel la réalité n’est que rêves : images subliminales m’arrivant par spasmes.

Il a fallu qu’une puissance supérieure me dote d’une mort inéluctable et d’une conscience :
Mes yeux s’ouvrirent à la vie disparate, une pièce sombre m’entourait glauquement.
-Suis-je prisonnier ? Qui suis-je en outre ?
Mon corps creusé déjà formé me laissa présager une vie antérieure… Cet homme, s’il était n'est plus, je suis lui désormais ou il est moi. Un peu des deux en vérité.

J’articule un son pour voir :
-A..aa..aA
Visiblement je peux communiquer, bon à savoir. Mais quelle est cette douleur qui me lancine le ventre !! Insoutenable !! Il me faut un remède !

Je sors de cette pièce ouverte par une porte en bois bien décidé à mettre un terme à cette souffrance atroce.
A l’extérieur dans le ciel bleu cri parsemé de petits nuages vaporeux blanc une boule brillante m’agresse littéralement dés que mon regard se pose sur elle, prenant un malin plaisir à m’éblouir… Je décide de ne plus la regarder pour le moment. Un liquide coule non loin, un peu boueux il est de couleur verdâtre.
La civilisation humaine est là devant mes yeux ! Je n’en reviens pas… je suis impressionné par cette densité… Autant de vie sur si peu de terre… Je décide de mis aventurer c’est pas souvent que l’on a l’occasion d’assister à un tel spectacle !

Avant mon arrivé dans le monde des vivants j’étais libre, aujourd’hui mon corps est ballotté d’un morceaux de terre à un autre, je subis les éléments et dois m’adapter sans cesse à de nouvelles conditions : je mange, bois, dort, me lave partiellement et apprend à me battre toujours plus pour ne pas mourir demain…

L’homme n’est pas un homme s’il n’est pas libre et vivant, es-ce aussi simple ?
Je ne pense pas : L’existence est un ensemble de contraintes, la contrainte se n’est pas la liberté.
Le poète a pour arriver à ses fins de nombreuses contraintes à respecter tout comme le peintre : La contrainte est féconde c’est la muse de nos vies.
L’origine de l’acte étant une contrainte tout comme l'acte en lui même il est donc logique de penser que sa conséquence en est une ou plusieurs. A partir du moment ou l’acte et ses conséquences ne sont que contraintes et non liberté qu’es-ce que la liberté ?
Le libre arbitre certainement, mais en usons nous vraiment ?
Dans l’absolu oui en réalité non, car les conséquences extérieures influent directement sur la multiplicité des choix qui se présentent à nous.
Le chaos et le doute sont tout deux des vecteurs qui mènent à la liberté mais celle-ci n’existe pas réellement, il n’y a que la mort qui est libératrice.
La ou il y a la vie il y a la contrainte, l’homme n’est pas libre il est esclave de la vie.

De quoi suis-je doté ? Une enveloppe corporelle qui m’est propre, des besoins et des envies…La mort est inéluctable, arrivé à ce stade mieux vaut la précipiter ! Ce ne sera pas lâche de ma part que de vouloir être libre de nouveau…
Et en réalité ? Un pouvoir qui surpasse tout les autres !! Plus que de guérir les plaies et les maux je peux libérer !!! Ce corps possède une force extraordinaire, un hasard ?
Ma vie ne serait pas que plénitude de besoins et d’envies et puis mort soudaine, non !! Pas seulement !! Je peux offrir la liberté aux esclaves et je dois tout faire pour atteindre cet objectif… C’est la vie qui m’a été accordée.

Mon corps parcouru de doute marchera à travers les brumeuses étendues, guidé par le céleste mes mains sèmeront la liberté perdue.

L’homme qui dirige la Horde se nomme Puncherollo, il me parait être un type honnête et droit, je ne pense pas qu’il adhéra à mon concept de liberté comme peu de gens d’ailleurs… Et sa m’est franchement égal, l’essentiel n’est pas de croire mais de vouloir.

Lui aussi veut tuer et exterminer ! La cause qu’il défend est juste en somme, elle est dans la logique de l’espèce humaine : je tue pour me venger et on me tue pour se venger et ainsi de suite.
Je dois tuer également et je préfèrerai commencer par les esprits les plus perturbés. On m’a rapporté quelques faits sur un groupement d’hommes inhumains qui se fait appeler Dragons Noirs, ils me paraissent viable pour une première expérience en tant que libérateur.

Es-ce que je me risque à lui demander ses plans futur ?
Assis sur le rebord d’une barrière en bois j’interpelle d’une voix douce le chef de la Horde qui marche non loin :
-Puncherollo ?

Il est accompagné d’une femelle mais elle n’est pas un problème je m’en accommoderai.
Visiblement il n’a pas du m’entendre, je ressaye pour vérifier :
-Punch ?

Pas de doutes il ne m’a pas entendu…Ses traits sont tendus, il avance d’un pas fière et décidé. Maintenant je suis derrière lui, discrètement je marche dans son sillage, de plus en plus vite pour le rattraper, la femelle m’a entendu elle ne dit rien.
Il ne reste plus qu’un mètre mon pas emboîte le siens, je scrute son cou à sa vu mes mains se crispes mon cœur s’emballe et mon front devient chaud j’ai envi de l’étreindre à pleine mains et d’en obstruer les canaux d’aire. Je ne veux… je ne veux pas !! Mais c’est plus fort que moi je ne contrôle plus mes mains !! J’immobilise ma marche. Puncherollo s’éloigne ainsi que mes flux meurtriers… J’ai peur.
Ma tête pivote vers la droite attirée par une feuille blanche clouée sur un poteau de bois, elle annonce de sa platitude désirs de vengeances et jours sanglants, j’y serai moi aussi mais je dois me rendre au Dôme. Je suis confiant.

Punch n'avait pas vu Pilou depuis sa sortie de crise de zombinisme. Le chef de la Horde est accompagné d'Alexiel... Il sent une présence derriere lui. Il se retourne, il voit le barde...
Il a changé...C'est assez étrange!! il dégage une haine extraordinaire.
Il se dirige vers lui. Il s'arrête à quelques pas.

Alors Pilou, j'ai l'impression que tu vas nettement mieux...Le gout du sang après avoir tabassé ton prisonnier a fait de toi...un homme plus dangereux...Tu me ferais presque peur...Continue ainsi et tu seras prêt pour la grande bataille...

Une fois qu'il a fini de parler avec Pilou, il rejoint doucement Alex...

Gardé en permanence l'arène du Dôme est réduite à sa plus simple expression : un grillage incurvé serti de barbelés ainsi que de nombreuses pointes en bois. Un système de poulies permet de soulever le demi globe à une extrémité, par cette opération il libère un passage en son sein pour qu’un homme puisse s’y glisser.

C’est mon tour, tel un pèlerin j’entre dans le lieu de tout mes cultes, je suis aux anges la terre rouge est humide de sang, un homme allongé sur le sol a été soigneusement déposé comme une offrande à ma grandeur. Est présente une foule de spectateurs, elle m’encourage.
Je suis le jeune homme plein de fougue j’exulte de bonheur et j’hurle mon plaisir ! Le sang gicle la souffrance pleure et c’est moi qui en serai l’origine. En attendant l’esclave est miens et je compte bien lui faire entendre :
Il n’a pas peur et reste immobile à mon approche : c’est normal il a l’habitude de se faire tabasser. Je ramasse une bouteille d’alcool posée sur le sol et en arrache son bouchon à pleines dents, mes gencives saignent, j’ai mal ! Ca me rend fou ! Je bois de longues gorgés de se doux breuvage stimulant et mon corps en fulmine de plaisir ! Je jette la bouteille, elle roule sur le sol poreux déversant un peu de son liquide jusqu’à ce qu’une paroi mette fin à sa course.
Mon regard se pose sur un maillet de bois, je le saisis de mes deux mains salvatrices et libère ma haine sur cet enfoiré qui ne recule pas quand j’approche de son corps décharné ! Je frappe ! Encore ! ENCORE !! Avec une régularité dans l’effort je continus, de toute ma force j’enfonce le bois dans sa chair ! Je suis un automate un petit garçon qui récite ses tables de multiplication sans faillir.
Je le laisse en vie pour qu’il puisse servir de nouveau. Il gémit, c’était une bonne prestation je suis un bon élève, j’accepte les compliments sans broncher et retourne m’asseoir à ma table.
Je sors de cette hécatombe le maillet dans ma main droite, l’offrande était à ma mesure, j’ai apprécié. Je remercie mes sujets qui m’acclament encore en les saluant dignement puis je m’en vais.

Non !! Je m’insurge ! La mise en scène était formatée et sa fin que trop prévisible… Ca m’écœure c’est dégueulasse ! Je m’assois et ferme les yeux : j’entre dans l’arène, l’homme est à terre sa mâchoire déjà cassée laisse échapper un filet de sang, il est prêt à accueillir toute ma haine. Il a l’aire ouvert à toutes propositions alors je m’en approche pour lui glisser quelques mots à l‘oreille :
-Je suis moi par ce que tu es toi et si tu n’es pas toi alors qui suis-je ?
Il ne répond pas il est d’accord.
Je me relève et l'attrape par les pieds le traînant hors de l’arène, j’avance en direction du fleuve la foule est mécontente et je l’emmerde. Je suis désormais loin de celle-ci mais j’entend toujours ses cris enragés… Je marche de plus en plus vite l’homme que je traîne sur le sol est conscient, je lui récite un poème :

Ainsi l’heure de ne plus être esclave est venue
Ce n’est pas la fièvre qui m’a pris au dépourvu
Mais bien sûr la raison de ma vertu
Je t’absous et te libère de tes parjures
Ne sois pas triste de ne plus respirer l’aire pure
Tu verras bientôt le bleu de l’infini azur

Je suis arrivé en bordure du fleuve, je m’accroupis aux cotés de l’homme et saisis sa tête de mes deux mains libératrices la plongeant dans l’eau troublée, il gémit et se débat, il veut resté esclave et je l’en dissuade en gardant sa tête sous l’eau, quelques bulles et sons étouffés m’éclaboussent. Plusieurs pénibles minutes passent et puis plus rien… Son corps ne résiste plus il est inerte, un vulgaire morceau de viande qui pourrit. Je sors sa tête de l’eau en tirant sur ses cheveux trempés une expression de terreur y est figée, je lui demande pardon pour ma brutalité néanmoins nécessaire à l’accomplissement de cet acte. Je hisse sur mon dos sa carcasse vidée de toute vie et la rapporte.
La foule est toujours là, étonnée de me voir revenir, elle ne m’acclame pas car j’ai péché ; je dépose le corps mort sur le sol et voilà que l’on me lance des regards haineux, on me crache au visage je suis indigne j’ai libéré. Deux hommes viennent sur ma gauche ils me mettent à terre, à genoux devant l'arène je suis prêt à l’immolation. Je me débat !! Mais les deux hommes parviennent à me maîtriser… La foule m’acclame et je me débat encore !! On attache mes poignés entre eux à l’aide d’une chaîne en fer et je suis balancé dans l’arène, divers objets m’y sont jetés en pleine figure et je gueule ! J’offre à ces ingrats un spectacle des plus grandiose : la liberté, et en guise de remerciements ils m’en privent…
L’arène s’ouvre à nouveau, un homme y entre, jeune et virile il ne tremble pas, je le défis du regard je l’incite au meurtre ! Il saisit un maillet de bois et me frappe encore et encore.
J’ouvre mes yeux le jour est encore là, le maillet de bois est toujours emboîté dans ma main droite, il me gène et je le jette. Je suis heureux l’histoire était belle.