Les fous ne savent pas ce que je sais.
Pourtant ce sont mes connaissances qui sont les pavés des chemins de la folie.
Port Cheri.
Printemps de l’année 9
Ils sont tous en train de boire, de profiter, de se droguer, de forniquer comme des bêtes.
Ils ignorent mes silences. Ils ignorent mes absences. Ils ignorent ce qui se trame dans cette baraque sordide dont j’ai pris possession pour le temps de notre séjour. Ils ignorent tout de la signification des symboles qui recouvrent mes murs et du sang que j’ai du verser pour les dessiner.
Les murs sont recouvert de dessins ésotériques étranges et inquiétants, la lumière semble ne pas vouloir rentrer dans la pièce alors même que les volets sont ouvert. Les plus sceptiques en rejetteront la faute sur la poussière qui recouvre les carreaux ou sur le sang qui les macule.
Okras est assise en tailleur au milieux d’un cercle de sang, de symboles et de bougies noires. Des bandes sales et abîmées recouvrent ses avant bras pour aider à la cicatrisation, seul vêtement qu’elle porte.
Un petit livre noir aux pages jaunies et recouvertes de symboles ocres est ouvert devant elle, au milieux de deux cierges déjà fort consumés. Devant le petit livre repose un bol noir. En pleine méditation elle ouvre les yeux pour la première fois depuis plusieurs jours. Elle ouvre une petite fiole en terre et verse le contenue dans le bol noir.
Plusieurs petites fioles sont disposées a coté de la sorcière. Cendres, drogues, hallucinogènes ou excitantes, naturels ou chimiques, divers ingrédients rares ou trop communs. La voilà à la fin du rituel. Plus que quelques heures. Le soleil semble prendre tout son temps pour ce coucher. Les nuages passent avec lenteur dans le ciel de la cité, des fêtes et les bruits de la ville s’intensifie lentement.
Elle ferme les yeux à nouveau. D’abord son environnement est rude. Les planches de bois sous elle lui font mal, sa position et ses membres ankylosés sont douloureux, les bruits et la chaleur la perturbe.
Elle se concentre sur les battements de son cœur. Ta dam…. Tadam tadam. La porte s’ouvre.
Doucement, sans bruit, dans son esprit.
Ta… Dam. Les premières lueurs en sortent. Lumières oranges et rouges qui dansent tel des diablotins et dessinent avec dureté les contours de la porte.
Ta… Dam.
Le rythme cardiaque se calme. La porte s’ouvre un peu plus et Okras sent son corps devenir plus léger.
Les bruits à l’extérieur s’atténuent, les douleurs cessent de battre dans ses membres. Okras va renaître.
La porte s’ouvre sur l’Enfer.
Le soleil glisse sur le cylindre céleste, les nuages filent à toute allure au dessus de la baraque, la ville se met a vivre en accéléré. Débauches, violence, sexe, haine, rancœur, douleur… Les ombres envahissent les petites rues et le mal glisse sur elle comme un serpent de légende. Le Diable est de sortie ce soir.
Okras ouvre les yeux et aspire une grande goulée d’air frais comme un noyé qui remonte à la surface au dernier moment. Les bougies sont éteintes. Il ne reste plus que les deux cierges presque terminé.
Elle reprends ses esprits lentement. La fenêtre de devant laisse filtrer les rayons de la lune et la pièce est baignée d’une ambiance bleuâtre, maladive et malsaine. Il est temps !
« Akremis Belzebuth, Akremis Okras delo Fernitia… Akremis Satanas, Akremis Okras delo Fernitia y Hades… Oooooooom…. Lace me staria to prosteniasse alabar detas Succubes… A te dretasiode Trone… Myareignas Satan. »
Elle prend le bol dans ses deux mains et la peur envahit son ventre comme un fil barbelé que l’on déroulerait dans ses entrailles. Elle le porte a ses lèvres et avale le contenu.
Le cri resonne dans toute la ville. La brûlure est telle qu’elle a l’impression de se consumer sur place. Les feux de l’Enfer sont dans ses entrailles. Elle est allongée dans une position impossible, le corps agité de spasmes violents, la bave aux lèvres et son esprit s’ouvre… Encore… Encore… Et Encore….
Elle pousse un nouveau hurlement alors qu’elle meurt pour la première fois.
Les fous ne savent pas ce que je sais.
J’ai passé ce cap depuis longtemps.
Maintenant ce sera à moi de les guider.
Qui juge de ce qui est saint si les malades définissent la sainteté ?
Ce matin elle sort de la baraque.
Ceux qui vont passer ici vont avoir une sacrée surprise !
Elle sourit. Le soleil lui fait mal et elle plisse les yeux pour le soutenir. Son teint est plus pale et plus maladif que d’habitude, et ça ne changera pas.
Elle sourit et rabat la capuche de sa robe pourpre pour glisser son visage dans l’ombre.
Elle sait que pendant un temps les gens vont être mal à l’aise à son contact mais pour certain cela va passer. Il suffira de glisser leurs âmes dans quelque chose de plus froid encore.
Elle avance… Le départ est prévue pour aujourd’hui et Clara doit l’attendre prêt du Buggy.
Son pas est rapide, agile, souple, elle semble voler dans les rues de port chéri.
Elle sourit. Elle a soif !